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graphotherapie87

Pour la semaine de l'écriture

Comment l'ordinateur influe sur notre écriture ?

La personne qui rédige un texte sur écran manifeste une tendance naturelle à écrire des phrases courtes .C'est vrai pour moi, sans diaboliser pour autant l'ordinateur .Non je n'écris pas avec une plume d'oie 😊.


L'outil informatique a changé notre façon de nous exprimer. Jusqu'à nous obliger à couper nos phrases et retaper notre pensée. Claude Duneton (1935-2012) analysait cet effet « Apple » de notre écriture dans une chronique. La voici.

Lorsqu'on me dit que l'ordinateur ne change en rien la manière d'écrire de ses utilisateurs, je souris. Bien sûr qu'il change quelque chose! La lecture sur un écran n'est pas la même que sur une feuille de papier - le papier repose l'œil, l'écran le fatigue. En fait, la lecture sur écran exige une plus grande vigilance de l'œil, comme la conduite automobile par grand soleil. Aussi l'usager maîtrise moins bien les longues phrases qui courent sur plusieurs lignes verdoyantes qu'il ne le fait, à typographie identique, sur une feuille de papier «immobile». Essayez de lire quelques pages de Proust sur un ordinateur...

Le résultat? La personne qui rédige un texte sur écran manifeste une tendance naturelle à écrire des phrases courtes ; elle multiplie les points qui limitent le champ de manœuvre. Les phrases courtes rassurent. À l'inverse, des phrases complexes, truffées d'incidentes, qui caracolent d'une ligne à l'autre affolent. Elles semblent échapper à la surveillance du scripteur et prendre seules la clef de champs incontrôlés. Les phrases longues paraissent suspectes, inquiétantes, peut-être minées. Et tout cela se passe dans l'esprit du pianoteur sans qu'il en ait conscience, bien entendu.

Le degré «Apple» de l'écriture moderne

Cela explique probablement pourquoi on reconnaît au premier coup d'œil un roman écrit à l'ordinateur, et un roman écrit à l'huile de phalange, car la machine à écrire à l'ancienne, en dépit des commérages à ce sujet, ne fournit pas un travail de même nature que celui de l'ordinateur, mais un texte placide, «doux et calme» comme le fil de la plume. (Phrase écrite à dessein avec un stylo à bille).



Je n'ai rien contre ; je constate simplement que ce n'est pas ainsi qu'opérait Chateaubriand avec sa plume d'oie.

J'affirme que l'outil influe sur l'écriture, comme la charrue à cinq socs sur les labours. À la longue, l'ordinateur modifie profondément la «couleur» de nos écrits. Tenez, je lisais ceci dans une excellente revue, Francophonie vivante, éditée à Bruxelles: «Dans les grandes entreprises les formateurs recommandent, en communication écrite, de ne pas dépasser 25 mots par phrase dans une lettre ou un courrier (parfois moins encore), et 10 à 14 mots par phrase de courriel» - c'est moi qui souligne. Donc je ne suis pas le seul de mon avis si les grands communicateurs m'approuvent! La dimension des phrases d'un roman de la jeune vague est couci-couça de 14 mots.

Un guide, un soutien, à qui l'on pardonne tout

Un autre effet de l'ordinateur, complémentaire, est de produire des phrases fausses, qui comptent des mots en trop ou en moins. Je trouve dans Lettre du Chemin des Dames, revue trimestrielle, l'annonce suivante: «Le décès d'Albert Balasse n'avait été pu être officialisé que le 31 décembre 1919» (sic). Ce n'avait été pu être provient immanquablement du coupé-collé d'une n'avait été officialisé avec la rectification pu être ; été est resté en scorie dans la refonte, aucun correcteur ne s'en est aperçu, ce qui aurait été à coup sûr le cas dans un «texte placide». Un peu plus bas, de la même source: «Dans le cimetière ils avaient inscrire sur la pierre du caveau familial «À la mémoire d'Albert Balasse».

Fait a évidemment sauté avec l'effacement de fait mettre remplacé par inscrire sans que nul ne le remarque sur l'écran. On trouve de plus en plus de ces loupés dans des publications diverses, revues et magazines - même dans les livres. Mais on ferme les yeux, si j'ose dire, laissant au lecteur le soin de restituer mentalement le sens, parce que l'ordinateur a tous les droits - il est notre guide à présent, notre soutien, on lui pardonne tout. Alors qu'on passait naguère un savon sérieux à un typographe qui aurait laissé des bévues pareilles dans sa page.

Autre temps, autres mœurs... Dans l'élan des célébrations de l'an neuf, je dédie cette chronique au poilu Albert Balasse qui a donné sa vie le 5 mai 1917, au Moulin de Laffaux, pour que nous disposions un jour de beaux ordinateurs.

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